| Retour à l'accueil du site |

QUIEVY, quatre cent mille ans d'histoire...
d'après le livre de Francis BAUDUIN et Jacques WAXIN

Quiévy, fief protestant
(3ème partie)

| La citoyenneté conduisant à l'égalité | L'existence légale du protestantisme |
|
Une anecdote amusante |

La citoyenneté conduisant à l’égalité de droits

Le 18 juin 1787, le pasteur Jean de Visme arrivait à Quiévy et s’installait chez Pierre Philippe Bauduin; il sera à l’organisateur du protestantisme dans la région jusqu’à sa mort en 1819.

Toutefois, la période révolutionnaire suscita et favorisa certains troubles qui conduisirent à des débordements excessifs. C’est ainsi que profitant de l’absence du curé et se sentant en force, en 1793, les protestants de Quiévy s’emparèrent de l’église qu’ils saccagèrent, se livrant à des actions iconoclastes regrettables. On rapporte notamment que Philibert Bauduin s’empara d’une statue de saint en bois avec laquelle il chauffa son four; mais ce jour-là, rapporte la chronique, le pain ne cuisit pas ! ...

Le régime de l’Édit de Tolérance ne dura guère puisque l’Assemblée Constituante proclama en 1789 la liberté de conscience et de culte, fixant les règles de l’organisation du culte protestant dont les fidèles n’étaient plus seulement tolérés mais avaient une existence civique légale.

L’existence légale du protestantisme

Le 22 vendémiaire an XIII (1804), le sous-préfet de Cambrai provoqua une réunion à laquelle il convia les vingt-cinq chefs de famille protestants les plus imposés du rôle des contributions directes. Après discussion, l’Église Réformée de Quiévy fut officiellement constituée sous la dénomination d’Oratoire de Quiévy ayant pour annexe Saulzoir. Furent élus comme anciens et responsables: Pierre Philippe Bauduin, Martin Méresse, Jacques Mercier, Martin Campin, Pierre Guislain Lorriaux, Jean Baptiste Delwarde, Jean Guislain Davaine et Pierre Philippe Grassart. 

Un vote eut lieu immédiatement pour la désignation du pasteur; à l’unanimité, le conseil désigna Jean de Visme, déjà présent depuis 1787. 

Ainsi constituée et placée sous la protection de l’État, l’Église protestante de Quiévy s’organisa. Une de ses premières préoccupations fut de mettre en ouvre un programme de formation des jeunes par un enseignement général d’une part, et religieux d’autre part. En ce qui concerne le premier, une école fonctionna à l’actuel numéro 5 de la rue Roger Salengro. Des instituteurs furent choisis par le conseil presbytéral et rémunérés par la contribution financière des fidèles. L’enseignement religieux, assuré par le pasteur aidé de quelques anciens, fut donné les jeudi et dimanche. Il débutait à l’âge de six ans et continuait jusqu’à quinze ans, en principe, âge auquel intervenait la communion; il se poursuivait sans limite par des réunions hebdomadaires pour une étude plus approfondie de la Bible et du chant. 

La gestion de l’Église était assurée par le Conseil des Anciens dit Conseil presbytéral, élu au vote secret, et renouvelable périodiquement. Une contribution financière et libre des fidèles permettait le financement de l’ensemble des charges, y compris le traitement du pasteur. 

Un peu à la fois, par la force des choses et l’évolution des idées, les deux communautés chrétiennes apprirent à vivre ensemble. Des tensions se manifestèrent encore longtemps, mais elles se limitaient à une volontaire indifférence réciproque et à des paroles parfois un peu vives. 

Il faut rappeler parmi ces échanges verbaux, l’expression "noirs talans" (1) inventée et utilisée par les catholiques pour désigner les protestants. On en trouve l’origine dans la pensée admise par les catholiques que les protestants, impies par essence, avaient commerce avec le Diable qui, comme chacun sait, a les pieds noirs. En réponse à ces attaques, le qualificatif de "rouches eurteuls" (2) a été attribué aux catholiques par les protestants pour rétablir un juste équilibre des choses ! ...

(1) "noirs talans" : talons noirs

(2) "rouches eurteuls": orteils rouges
(traduction littérale)

Ces échanges ont eu la vie dure car jusqu’à la dernière guerre, il était courant de voir se constituer des clans rivaux de jeunes écoliers utilisant largement ce vocabulaire, sans que cela corresponde vraiment à une agressivité profonde. 

Aujourd’hui les choses ont bien changé. D’heureuses relations oecuméniques font se rencontrer les deux communautés dans un esprit de rapprochement et de meilleure connaissance mutuelle. 

Le temple :

une austérité qui reflète bien le caractère du protestantisme

Une anecdote amusante

Jusqu’à une époque récente qui ne remonte guère au-delà de la seconde guerre mondiale, les alliances interconfessionnelles étaient l’objet d’un interdit rigoureux. Les mariages mixtes ne sont apparus qu’après la guerre, particulièrement, après Vatican II qui a ouvert la voie à l’ocuménisme.

Un petit événement local mérite d’être rapporté car il illustre bien le climat et les conséquences pratiques inattendues créées par les rapports entre les deux communautés.

A la fin du siècle dernier, une personnalité locale, de confession catholique, appartenant à la bourgeoisie aisée, avait épousé - par quel miracle? - une jeune fille protestante de bonne famille.

L’épouse étant décédée, elle fut inhumée dans le caveau de famille situé dans le cimetière protestant, en bordure de la haie qui l’entourait à l’époque.

Le mari resté seul avait exprimé le souhait de reposer auprès de sa compagne après sa mort.

Le moment venu, le curé se trouva devant un dilemme très difficile à résoudre pour lui.

En effet, l’exercice de son ministère devait le conduire à entrer, avec le défunt, dans le cimetière protestant. Il ne pouvait le faire car c’était pénétrer, avec les vêtements sacerdotaux, dans une terre impie et non consacrée.

Le curé soumit alors la question aux autorités ecclésiastiques qui lui conseillèrent de remplir son office en accompagnant le convoi jusqu’au cimetière, sans y pénétrer, et de bénir le corps du défunt par dessus la haie!

Le monument funéraire existe toujours, la haie a disparu et les époux reposent en paix!...

 | Haut de page | Page précédente | Retour au sommaire | Page suivante |