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QUIEVY, quatre cent mille ans d'histoire...
d'après le livre de Francis BAUDUIN et Jacques WAXIN

Les professions, les sobriquets,
les noms patronymiques

au XVIIIème siècle

 

Il faut bien se représenter qu’à l’époque les moyens de déplacement n’existaient guère et que , de ce fait, les communications étaient réduites. Chaque village se trouvait ainsi dans l’obligation de vivre sur lui-même dans une relative forme d’autarcie.

Il existait de nombreux artisans ruraux, aujourd’hui disparus en quasi-totalité et dont l’activité à plein temps couvrait les besoins locaux. Citons en particulier le mulquinier.

Ce tisseur à la main dont l’outil de travail, de fabrication artisanale, se trouvait toujours installé dans la cave, éclairée par une "verrère" (un vitrage) fermée le soir par des "blocus" (1), passait dix à quatorze heures par jour à pousser la navette.

(1) des blocus : il s’agissait de panneaux de bois servant à fermer la "verrère". Ils étaient munis de poignées permettant de faciliter la manoeuvre.

Le métier était constitué par deux grosses pièces de bois en croix (les côteux d’étile) avec, à une extrémité, une ensouple dérouleuse sur laquelle se trouvait la chaîne et, à l’autre extrémité, une seconde ensouple réceptrice recevant la pièce tissée. Entre les deux ensouples, l’équipage, actionné par les pieds, assurait la séparation des fils en deux nappes entre lesquelles la navette, portée par le battant et propulsée dans les deux sens, dévidait le fil de trame.

Perçus de la rue, les claquements secs et plus ou moins rapides des métiers indiquaient à une oreille avertie la nature des articles fabriqués (rythme lent: draps de grande largeur - rythme rapide: mouchoirs, torchons (toilettes).

Actuellement encore, on peut observer sur les anciennes maisons l’existence d’une voûte semi-circulaire correspondant à l’emplacement de la "verrère".

L’implantation en cave du métier était imposée par la nécessité d’avoir un degré hygrométrique(2) constant, afin d’assurer le meilleur comportement possible du fil de lin.

 

(2) degré hygrométrique constant: taux d’humidité constant

Le chant, largement pratiqué par les ouvriers tisseurs, contribuait à rompre la monotonie des longues journées de travail. peut-être peut-on y trouver l’origine des formations chorales qui se sont par la suite développées sous forme de sociétés.

Près de 80 à 85 % de la main-d’oeuvre locale était occupée à cette tâche qui nécessitait de nombreuses opérations préalables: le filage, le bobinage, le canetage, l’ourdissage, parfois l’encollage, le tout aboutissant au tissage proprement dit.

- Le filage ne se pratiquait guère à Quiévy, sauf peut-être pour une certaine qualité de tissu appelé fil de main qui était fabriqué à Saint-Hilaire et surtout à Avesnes-lez-Aubert.

A cette époque(XVIIIème siècle), les ouvriers tisseurs partaient le samedi soir, à pied, au "PAYS D’ARTOIS" comme ils disaient, parcourant une quarantaine de kilomètres afin d’acheter de la matière aux fileurs artésiens.

- Le fil était alors disponible pour le bobinage qui consistait à l’enrouler sur des bobines en carton.

- L’ourdissage, qui venait ensuite, avait pour but d’assembler parallèlement, à la même longueur et sous la même tension, les fils destinés à la chaîne. Ce travail était réalisé sur d’énormes bobines appelées "moulins" ayant une hauteur de 2m et un diamètre d’environ 1,50m.

Ce travail était surtout la tâche des femmes dont le mari travaillait en cave.

L’ourdissage aboutissait à la constitution d’une chaîne laquelle était enroulée sur l’ensouple dérouleuse après passage sur un peigne (le vauto) qui assurait une égale répartition des fils. Pour effectuer ce travail, il fallait un tourneur, un tendeur et un conducteur de chaîne: "Un r’tourno d’sus". Toutes ces opérations étaient effectuées en famille ou entre voisins.

- L’encollage avait pour but de donner au fil une meilleure résistance par le lissage et le collage, à la brosse humectée d’une préparation à base de farine, des barbules et des filaments qui dressaient. La chaîne était alors passée à travers l’équipage et le peigne du battant pour aboutir au rouleau recevant la pièce tissée.

- Le canetage consistait à enrouler le fil de trame par le moyen d’un rouet (cariuwe) sur le fuseau (canette) prenant place dans la navette laquelle était propulsée à la main à l’aide de ficelles et d’une poignée (la sonnette).

Il fallait synchroniser le mouvement des pieds et des mains pour faire passer la navette à travers la chaîne.

Pour les curieux, il est intéressant de rappeler que le rouleau récepteur de la pièce réglait en tournant le duitage, c’est-à-dire le nombre de fils de trame au centimètre. Ce duitage pouvait varier de 15 duites au centimètre pour les étoffes les plus grossières jusqu’à 32 duites pour les plus fines batistes.

Armoiries du corps des mulquiniers

"D'argent à un évesque de carnation vêtu d'une aube d'argent et d'une chape de gueules enrichie d'or, sa teste couverte d'une mitre de gueules, bordée d'or, tenant de ses deux mains un suaire étendu de gueules, frangé d''or, avec la double représentation du Christ de carnation, entouré d'une écharpe ou linge d'argent, le tout accompagné en chef d'une éponge de sable à dextre et de ciseaux de même ouverts en sautoir à senestre." (D'Hozier - Armorial général(1696), registre 1, page 761, blasons coloriés, page 605, armorial texte)

Le terme "batiste" a pour origine le nom de son inventeur Baptiste Chambray, originaire de Cantaing-sur Escaut, habitant de Cambrai au XIIIème siècle et dont une statue orne encore le "Courtil Batisse" (3) dans cette même ville.

(3) courtil Batisse : jardin public actuel (à Cambrai)

Un chroniqueur cambrésien, Le Carpentier, rapporte que "la renommée des toiles était telle que les Laponiens (Lapons) en paraient leurs Dieux et leurs idoles, jugeant les hommes indignes d’envelopper et d’orner la saleté de leur corps de la blancheur et de la beauté d’un si digne et si subtil travail.

Les autres professions, relevées sur les registres d’état-civil de cette époque, se répartissaient entre: censier (fermier), valet de charrue, berger, meunier, gorlier (bourrelier), menuisier, maçon, cordonnier, maréchal-ferrant, rosier (rôtier, c’est-à-dire fabricant de rôts qui étaient des lamelles en bois ou en métal constituant les peignes des métiers à tisser), tonnelier, couvreur de paille, garçon-brasseur, fileur de tabac, journalier, marchand de toilettes (produits tissés), maître d’école, fileuse, ménétrier, (joueur de violon), tailleur.

Parallèlement à ces professions, on voit apparaître un certain nombre de sobriquets assez pittoresques qui ont encore une certaine résonance de nos jours : Cat borgne, Brisac, Rondin, Roux, Gazon, Marlette, la Prone, Piquette, Flamique, Frissiaux (Frissiewe), Mono (Moniewe) etc... 

Un certain nombre de noms patronymiques, relevés déjà au XVIIème siècle, indiquent bien l’origine et la permanence de certaines familles dans la localité. Notons des : Loreau (Lorriaux), Delwarde, Machu, Bantegnie, Moreau, Gille, Villette, Lanseaux (Lanciaux), Lagouge, Bauduin, Jacquemin, Waxin, Leclercq, Lengrand, Leducq, Watremez, Bastien, Campin, Mercier etc...

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