Les professions, les sobriquets,
les noms patronymiques
au XVIIIème siècle
Il faut bien se représenter quà lépoque les moyens de déplacement nexistaient guère et que , de ce fait, les communications étaient réduites. Chaque village se trouvait ainsi dans lobligation de vivre sur lui-même dans une relative forme dautarcie. Il existait de nombreux artisans ruraux, aujourdhui disparus en quasi-totalité et dont lactivité à plein temps couvrait les besoins locaux. Citons en particulier le mulquinier. Ce tisseur à la main dont loutil de travail, de fabrication artisanale, se trouvait toujours installé dans la cave, éclairée par une "verrère" (un vitrage) fermée le soir par des "blocus" (1), passait dix à quatorze heures par jour à pousser la navette. |
(1) des blocus : il sagissait de panneaux de bois servant à fermer la "verrère". Ils étaient munis de poignées permettant de faciliter la manoeuvre. |
Le métier était constitué par deux grosses pièces de bois en croix (les côteux détile) avec, à une extrémité, une ensouple dérouleuse sur laquelle se trouvait la chaîne et, à lautre extrémité, une seconde ensouple réceptrice recevant la pièce tissée. Entre les deux ensouples, léquipage, actionné par les pieds, assurait la séparation des fils en deux nappes entre lesquelles la navette, portée par le battant et propulsée dans les deux sens, dévidait le fil de trame. Perçus de la rue, les claquements secs et plus ou moins rapides des métiers indiquaient à une oreille avertie la nature des articles fabriqués (rythme lent: draps de grande largeur - rythme rapide: mouchoirs, torchons (toilettes). Actuellement encore, on peut observer sur les anciennes maisons lexistence dune voûte semi-circulaire correspondant à lemplacement de la "verrère". Limplantation en cave du métier était imposée par la nécessité davoir un degré hygrométrique(2) constant, afin dassurer le meilleur comportement possible du fil de lin. |
(2) degré hygrométrique constant: taux dhumidité constant |
Le chant, largement pratiqué par les ouvriers tisseurs, contribuait à rompre la monotonie des longues journées de travail. peut-être peut-on y trouver lorigine des formations chorales qui se sont par la suite développées sous forme de sociétés. Près de 80 à 85 % de la main-doeuvre locale était occupée à cette tâche qui nécessitait de nombreuses opérations préalables: le filage, le bobinage, le canetage, lourdissage, parfois lencollage, le tout aboutissant au tissage proprement dit. - Le filage ne se pratiquait guère à Quiévy, sauf peut-être pour une certaine qualité de tissu appelé fil de main qui était fabriqué à Saint-Hilaire et surtout à Avesnes-lez-Aubert. A cette époque(XVIIIème siècle), les ouvriers tisseurs partaient le samedi soir, à pied, au "PAYS DARTOIS" comme ils disaient, parcourant une quarantaine de kilomètres afin dacheter de la matière aux fileurs artésiens. - Le fil était alors disponible pour le bobinage qui consistait à lenrouler sur des bobines en carton. - Lourdissage, qui venait ensuite, avait pour but dassembler parallèlement, à la même longueur et sous la même tension, les fils destinés à la chaîne. Ce travail était réalisé sur dénormes bobines appelées "moulins" ayant une hauteur de 2m et un diamètre denviron 1,50m. Ce travail était surtout la tâche des femmes dont le mari travaillait en cave. Lourdissage aboutissait à la constitution dune chaîne laquelle était enroulée sur lensouple dérouleuse après passage sur un peigne (le vauto) qui assurait une égale répartition des fils. Pour effectuer ce travail, il fallait un tourneur, un tendeur et un conducteur de chaîne: "Un rtourno dsus". Toutes ces opérations étaient effectuées en famille ou entre voisins. - Lencollage avait pour but de donner au fil une meilleure résistance par le lissage et le collage, à la brosse humectée dune préparation à base de farine, des barbules et des filaments qui dressaient. La chaîne était alors passée à travers léquipage et le peigne du battant pour aboutir au rouleau recevant la pièce tissée. - Le canetage consistait à enrouler le fil de trame par le moyen dun rouet (cariuwe) sur le fuseau (canette) prenant place dans la navette laquelle était propulsée à la main à laide de ficelles et dune poignée (la sonnette). Il fallait synchroniser le mouvement des pieds et des mains pour faire passer la navette à travers la chaîne. Pour les curieux, il est intéressant de rappeler que le rouleau récepteur de la pièce réglait en tournant le duitage, cest-à-dire le nombre de fils de trame au centimètre. Ce duitage pouvait varier de 15 duites au centimètre pour les étoffes les plus grossières jusquà 32 duites pour les plus fines batistes. |
![]() Armoiries du corps des mulquiniers "D'argent à un évesque de carnation vêtu d'une aube d'argent et d'une chape de gueules enrichie d'or, sa teste couverte d'une mitre de gueules, bordée d'or, tenant de ses deux mains un suaire étendu de gueules, frangé d''or, avec la double représentation du Christ de carnation, entouré d'une écharpe ou linge d'argent, le tout accompagné en chef d'une éponge de sable à dextre et de ciseaux de même ouverts en sautoir à senestre." (D'Hozier - Armorial général(1696), registre 1, page 761, blasons coloriés, page 605, armorial texte) |
Le terme "batiste" a pour origine le nom de son inventeur Baptiste Chambray, originaire de Cantaing-sur Escaut, habitant de Cambrai au XIIIème siècle et dont une statue orne encore le "Courtil Batisse" (3) dans cette même ville. |
(3) courtil Batisse : jardin public actuel (à Cambrai) |
Un chroniqueur cambrésien, Le Carpentier, rapporte que "la renommée des toiles était telle que les Laponiens (Lapons) en paraient leurs Dieux et leurs idoles, jugeant les hommes indignes denvelopper et dorner la saleté de leur corps de la blancheur et de la beauté dun si digne et si subtil travail." Les autres professions, relevées sur les registres détat-civil de cette époque, se répartissaient entre: censier (fermier), valet de charrue, berger, meunier, gorlier (bourrelier), menuisier, maçon, cordonnier, maréchal-ferrant, rosier (rôtier, cest-à-dire fabricant de rôts qui étaient des lamelles en bois ou en métal constituant les peignes des métiers à tisser), tonnelier, couvreur de paille, garçon-brasseur, fileur de tabac, journalier, marchand de toilettes (produits tissés), maître décole, fileuse, ménétrier, (joueur de violon), tailleur. Parallèlement à ces professions, on voit apparaître un certain nombre de sobriquets assez pittoresques qui ont encore une certaine résonance de nos jours : Cat borgne, Brisac, Rondin, Roux, Gazon, Marlette, la Prone, Piquette, Flamique, Frissiaux (Frissiewe), Mono (Moniewe) etc... Un certain nombre de noms patronymiques, relevés déjà au XVIIème siècle, indiquent bien lorigine et la permanence de certaines familles dans la localité. Notons des : Loreau (Lorriaux), Delwarde, Machu, Bantegnie, Moreau, Gille, Villette, Lanseaux (Lanciaux), Lagouge, Bauduin, Jacquemin, Waxin, Leclercq, Lengrand, Leducq, Watremez, Bastien, Campin, Mercier etc... |
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